34(2) - 2023

Tegelberg, Elisabeth (2021). Svensk litteratur i Frankrike – förmedling, utgivning, översättning. CKM Förlag

Compte rendu par Klara Boestad


Dans le recueil d’articles intitulé Svensk litteratur i Frankrike – förmedling, utgivning, översättning, Elisabeth Tegelberg rassemble un grand nombre de ses publications relatives à la dissémination, la publication et la traduction d’œuvres littéraires suédoises en France. Cette collection, qu’on pourrait qualifier d’anthologie de la recherche de Tegelberg à ce sujet, regroupe sur quelque 450 pages une trentaine de textes publiés entre 1992 et 2020 sur un grand nombre de supports, allant de la presse quotidienne aux revues spécialisées, en passant par divers formats de publication en ligne. Il en suit que la composition de ce recueil est très hétérogène : la longueur, la technicité et la rigueur académique varient sensiblement d’un texte à l’autre.

L’objectif de cet ouvrage, annoncé par Tegelberg dans sa brève introduction (pp. 7-10), est de présenter une perspective sur le long terme des relations littéraires et éditoriales entre la Suède et la France. Les travaux de Tegelberg portent sur 200 ans de médiation littéraire entre ces deux pays, mais se concentrent particulièrement sur la seconde moitié du XXe siècle et le début du XXIe siècle. Leur période de publication, des années 1990 à nos jours, correspond à trente ans d’activité très intense dans le domaine de la traduction et de la publication d’œuvres scandinaves en France. Les textes sont regroupés dans trois grandes sections thématiques, la première portant sur la médiation littéraire de textes suédois en France, la seconde sur leur publication et la troisième sur la traduction de textes littéraires du suédois vers le français.


Composition

La première section de cet ouvrage (« Förmedling ») porte sur la médiation de la littérature suédoise en France. Elle se penche sur les grands promoteurs de littérature suédoise – et parfois plus largement de littérature scandinave – en France du début du XXe siècle jusqu’à nos jours. Elle se compose de cinq chapitres, dont le premier joue le rôle d’introduction à la section et présente les principaux médiateurs littéraires franco-suédois de l’époque en question. Le second chapitre introduit quelques réflexions générales sur les caractéristiques et l’évolution de la médiation littéraire au cours du siècle dernier, selon les différents profils des personnes qui se sont engagées pour faire connaître la littérature suédoise en France. Ce propos est approfondi dans les trois chapitres restants, chacun desquels est dédié à une personnalité particulière : il s’agit, respectivement, de Carl Gustaf Bjurström, Philippe Bouquet et Elena Balzamo. Ces trois portraits sont bien choisis, car ils sont révélateurs de l’hétérogénéité des vocations et activités que Tegelberg regroupe sous le concept de « médiation littéraire » et participent ainsi à la mise en évidence de la complexité de cette activité.

La seconde section de l’ouvrage de Tegelberg (« Utgivning ») porte sur la publication d’œuvres suédoises en France et se compose de quinze textes. La moitié d’entre eux – sept chapitres en tout – prennent pour objet d’étude les polars scandinaves et leur succès retentissant dans les librairies françaises depuis plusieurs décennies. Les huit chapitres restants portent sur la place qu’occupent les œuvres littéraires nordiques en traduction sur le marché français (deux chapitres), sur la dynamique de publication d’œuvres suédoises en France depuis la seconde moitié du XXe siècle (trois chapitres), ainsi que sur le parcours éditorial en France de deux auteurs de grand renom : August Strindberg (deux chapitres) et Per Olov Enquist (un chapitre).

La troisième et ultime section de cet ouvrage, intitulée « Översättning », regroupe douze textes qui portent sur la traduction de textes littéraires, ou sur la traduction littéraire en général, du suédois vers le français. Les trois premiers chapitres introduisent une réflexion à proprement parler traductologique sur la gestion de l’interculturalité dans les textes, sur le vieillissement des traductions et sur les motifs de la retraduction. Sept autres chapitres s’intéressent à la traduction et à la retraduction des œuvres de certains auteurs (Vilhelm Moberg, un chapitre ; Jonas Gardell, trois chapitres ; August Strindberg, trois chapitres). L’analyse des traductions que Tegelberg conduit dans ces textes se fonde sur l’étude et la catégorisation d’un certain nombre de stratégies utilisées par les traducteurs : la traduction littérale (direktöversättning), l’explicitation (precisering), l’adaptation (adaptering), la généralisation (generalisering) ou encore la paraphrase (förklaring). Dans les deux chapitres restants, Tegelberg décrit le fonctionnement de ces différentes stratégies et les difficultés que peut présenter leur utilisation ; elle illustre son propos sur la base d’un corpus composé de différentes œuvres de différents auteurs.


Appréciation critique générale

Cet ouvrage nous semble certainement atteindre son objectif proclamé, à savoir la présentation d’une perspective panoramique des liens littéraires unissant la France et la Suède au cours d’une période particulièrement dynamique pour l’édition d’œuvres littéraires suédoises en France. Les deux premières sections notamment permettent au lecteur de se faire une idée précise des mécanismes de la médiation littéraire franco-suédoise et de la dynamique du succès de la littérature scandinave sur le marché français depuis quelques décennies. La troisième section, qui porte spécifiquement sur la traduction de ces œuvres, promettait d’être la plus pertinente pour un public de traductologues ; malheureusement, elle nous a paru mal intégrée dans la trame de l’ouvrage. À l’exception des articles qui traitent de la retraduction et donc de l’évolution des exigences des éditeurs et des lecteurs, cette section ne contribue que peu à une réflexion de grande ampleur sur les liens qui unissent la traduction à la médiation littéraire. D’un point de vue purement traductologique, les études de cas et les analyses conduites par Tegelberg sont tout à fait convaincantes et intéressantes, sans pour autant prétendre présenter d’avancées majeures pour la recherche en traduction littéraire.

Somme toute, cette anthologie des publications de Tegelberg relatives à la dissémination, la publication et la traduction d’œuvres littéraires suédoises en France constitue une lecture de choix pour toutes les personnes qui s’intéressent à l’histoire éditoriale récente unissant la France et la Suède, surtout celles dont la curiosité porte plus sur le phénomène culturel et interculturel de la dissémination d’œuvres littéraires que sur les détails techniques de la pratique traductive. Bien que certains textes ne soient plus d’actualité – la première publication de certains articles remonte à trente ans ! –, la perspective historique qu’ils offrent sur une dynamique que Tegelberg a suivi tout au long de sa carrière en fait un témoignage unique d’une période bien particulière pour la littérature scandinave en France. En revanche, l’hétérogénéité des supports d’origine des textes rassemblés ne nous permet d’identifier un public cible clairement défini pour cet ouvrage : les nombreux articles initialement publiés dans la presse grand public présentent un intérêt limité pour un public académique, alors que les articles écrits pour des revues spécialisées sont trop techniques pour un public non initié. Aussi ce recueil d’articles n’est-il pas un ouvrage qui se lit d’un bout à l’autre, mais plutôt une collection de textes portant sur trois thèmes voisins (la médiation littéraire, l’histoire éditoriale et la traduction littéraire) à consulter sélectivement par le lecteur, selon ses intérêts et ses exigences académiques.


DOI 10.17462/para.2022.02.11

15 juin 2022
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