31(1) - 2019

Scocchera, Giovanna (2017). La revisione della traduzione editoriale dall’inglese all’italiano. Ricerca, professione, formazione. Canterano (RM): Aracne editrice

Compte rendu par Giovanna Titus-Brianti

La monographie de Giovanna Scocchera, issue de sa thèse de doctorat menée à la Faculté de Traduction et d’Interprétation de l’Université de Bologne, apporte un éclairage bienvenu dans un domaine encore peu exploré en Italie du point de vue non seulement académique mais également professionnel, puisque le profil du réviseur est encore flou. L’auteur s’appuie sur son expérience professionnelle et didactique de la traduction et de la révision éditoriale pour aborder ce sujet selon trois perspectives : académique, professionnelle et didactique.

L’ouvrage s’ouvre sur la nécessité de clarifier le concept de révision de la traduction. La traductologie étant une discipline scientifique récente, il y règne un certain chaos terminologique qui se reflète sur les concepts qu’elle introduit. Le premier chapitre s’attelle à clarifier la terminologie relative au travail de révision selon une perspective théorique, didactique et pratique. Dans le domaine théorique, le premier à introduire le terme de révision en traductologie est Munday (2001). Le réviseur suit un parcours inverse par rapport à celui du traducteur, car il commence par le texte traduit et non pas par le texte source et tient compte de l’interprétation du texte qui l’amène parfois à sa reformulation. Dans ce processus, le dialogue avec le traducteur permet d’éviter que le réviseur soit perçu comme un ennemi.

Après avoir passé au peigne fin la littérature anglophone sur le sujet, l’auteur s’arrête sur une distinction importante entre révision et édition (ou editing) en précisant que la révision est un processus plus orienté sur le texte source que l’editing, qui peut s’appliquer aussi à des textes non traduits. Dans le domaine didactique, Newmark (1988) préconise de consacrer du temps à la révision des traductions, alors que dans l’un des rares manuels contenant des indications sur la révision en italien (Osimo, 2011), cette dernière est vue dans une lumière négative en raison du manque de communication avec le traducteur.

Enfin, dans la pratique, le concept de révision varie selon le type de traduction : marché de la traduction, traduction pour les organisations internationales et traduction éditoriale. En Italie, les termes anglais editing et editor prêtent à confusion, car ils recouvrent plusieurs activités et fonctions, telles que la révision de traductions ou de textes originaux, ainsi que la préparation d’une publication. Selon Testa (2013), le travail de révision est coûteux et peu rentable, mais permet de rendre une bonne traduction encore meilleure. Scocchera conclut ce chapitre en proposant une définition globale et opérationnelle de la révision. La première recouvre une vaste gamme d’opérations et s’appuie sur la comparaison avec le texte source pour garantir une meilleure qualité de la traduction avant sa publication. Du point de vue opérationnel, la révision présuppose la comparaison avec le texte source et ne doit pas se concevoir comme un processus d’editing (qui ne s’applique pas exclusivement à des textes traduits), ni de rédaction (en conformité avec les normes rédactionnelles de la maison d’édition) et encore moins de correction d’épreuves d’imprimerie.

Le deuxième chapitre parcourt la bibliographie académique et non académique sur la révision dans une perspective interdisciplinaire et en se concentrant sur les contributions, encore peu nombreuses, consacrées à la didactique de la révision et au développement d’une compétence en la matière. L’auteur commence par distinguer l’auto-révision de la révision par autrui, qui met en jeu la dimension éthique dans la mesure où le réviseur doit concilier ses propres exigences de qualité avec les exigences de rigueur et de rapidité dans l’exécution. Elle consacre plus de place à la notion de compétence en matière de révision qui revêt une importance fondamentale. D’après Horguelin et Brunette (1998), le réviseur est un professionnel possédant les mêmes connaissances que le traducteur, mais « élevées à la puissance n ! » (p. 76). Parmi les compétences spécifiques du réviseur, on relèvera la loyauté, la capacité de se distancier du texte traduit et d’argumenter les changements proposés. Une attention particulière est réservée aux études consacrées à la didactique de la révision qui préconisent d’en faire un enseignement à part, servant à développer le sens critique, à éclairer les choix de traduction et à mieux appréhender les spécificités de l’activité de révision. Dans la section dédiée à la qualité de la révision, on relèvera les différents degrés de révision, que le réviseur procède à une comparaison complète du texte source avec le texte cible ou qu’il ne contrôle que certaines parties en se concentrant sur le texte traduit. Le chapitre se ferme sur un bref compte rendu de l’abondante littérature sur la révision de textes originaux, destinée le plus souvent à mieux cibler les attentes des destinataires.

Le chapitre 3 présente les résultats d’une enquête qualitative sur la révision éditoriale de traductions anglais-italien en Italie, dans le but d’éclairer une pratique très souvent ‘invisible’ selon les termes de Venuti (1995). Seuls les questionnaires complets ont été retenus pour un total de 80 dont les trois-quarts proviennent de traducteurs impliqués dans des tâches de révision. Les résultats de l’enquête, qui font l’objet d’une analyse très détaillée sur 102 pages, permettent de mettre en lumière des aspects souvent cachés du travail de révision en donnant la parole aux participants par le biais de citations significatives de leurs réponses. Celles-ci d’ailleurs sont plus intéressantes pour le lecteur que les données statistiques qui sont moins pertinentes vu le petit nombre de questionnaires traités. On relève ici les points les plus saillants permettant de caractériser la situation italienne.

Premièrement, la plupart des traducteurs (58.2%) n’a pas reçu de formation spécifique à la révision ou une formation très brève (36.4%), bien que tous soient conscients de l’utilité d’une telle formation qui permet une meilleure prise de conscience du travail de révision. Le temps consacré à la révision – qui permet un contact régulier avec la maison d’édition – est d’un tiers environ par rapport au travail de traduction et permet en premier lieu de vérifier la fluidité de la langue, de corriger les erreurs de traduction et de faire des recherches sur les contenus du texte. Le temps de repos idéal avant la révision est d’une semaine environ.

En second lieu, il a été beaucoup plus difficile de repérer les réviseurs, car ils ne sont pas réunis dans une association en Italie (contrairement aux pays anglo-saxons). Leurs réponses ont été précieuses toutefois pour mettre en lumière de nouvelles réalités. Seuls ceux qui exercent cette profession depuis plus de quinze ans ont été formés par la maison d’édition, alors que le travail est souvent externalisé à l’heure actuelle, ce qui entrave le contact avec le traducteur. L’âge moyen est équivalent pour les traducteurs et les réviseurs, ce qui infirme l’idée reçue selon laquelle cette tâche serait réservée à des professionnels plus mûrs. Étonnamment, ce sont ces derniers qui interviennent le moins sur les textes, car ils ont une meilleure conscience de la distinction entre interventions nécessaires et superflues.

En conclusion, les participants à l’enquête déplorent le manque de formation à la révision et le manque de collaboration entre traducteurs et réviseurs.

C’est à partir de ces deux constats que le chapitre 4 se propose de suggérer des orientations pour la didactique de la révision, discipline encore embryonnaire dans les facultés de traduction (Künzli, 2006), née de l’interaction entre la recherche, la pratique professionnelle et l’enseignement. À ce jour, il n’existe aucun recensement des cours de révision dans les universités européennes. L’enseignement de la révision devrait idéalement combiner une préparation académique et un travail pratique et part de deux présupposés : une conception de la révision comme outil didactique pour améliorer les compétences en traduction et une idée de révision comme compétence indépendante et séparée de la traduction correspondant aux besoins du marché de l’édition. Le modèle collaboratif est jugé le plus opportun pour l’enseignement de la révision.

À partir de plusieurs études théoriques, Scocchera élabore un modèle de revision competence fondé sur la synergie entre six sous-compétences : analytico-critique (basée sur l’analyse comparative entre texte source et texte cible) ; opérationnelle (permettant de choisir des interventions justifiées en révision) ; métalinguistique (qui utilise les concepts appropriés pour qualifier la révision) ; informatique (se référant aux outils informatiques adaptés) ; interpersonnelle (définissant la relation de collaboration entre le traducteur et le réviseur) et psycho-physiologique (qui rassemble toutes les aptitudes cognitives utiles pour l’auto-révision et la révision par autrui).

La dernière partie du chapitre présente des suggestions pour la didactique de la révision, qui passent par la taxonomie et l’analyse des erreurs de traduction, ainsi qu’un compte rendu d’une expérience personnelle de l’enseignement de la révision à la Faculté de Traduction et d’Interprétation de Bologne et dans le cadre d’un séminaire sur la révision offert à des traducteurs professionnels d’un bureau de traduction privé. L’enseignement s’est déroulé en deux phases : process-oriented et product-oriented.

Le dernier chapitre propose quelques pistes de recherche du point de vue théorique, pratique et didactique. Dans le domaine de la Translation Process Research, l’auteur souligne l’importance de la révision collaborative et suggère d’explorer tous les types d’interventions des réviseurs en reconstruisant une carte de la genèse de la traduction. Dans le domaine pratique et didactique, il serait utile de créer un glossaire thématique permettant de clarifier la terminologie et de faire une analyse de l’impact des outils informatiques d’editing sur le processus de révision.

En conclusion, l’originalité de ce travail de recherche tient du fait qu’il définit de façon rigoureuse le profil du réviseur éditorial et crée des ponts entre la recherche académique, l’expérience professionnelle des traducteurs/réviseurs et la didactique de la révision, qui est une discipline encore très jeune. Il fournit également un compte rendu très détaillé des ressources bibliographiques – pour la plupart en anglais – dans le domaine de la révision. Du point de vue méthodologique, on aurait toutefois apprécié que l’auteur opère une distinction plus claire entre le processus de révision de textes traduits et de textes originaux, comme le fait par exemple le Vademecum d’Andrea Di Gregorio (2014). Cela dit, cette approche est intéressante car, comme le suggère Scocchera elle-même, elle pourrait être élargie à d’autres domaines, comme celui de la révision de textes en langue originale ou du post-editing.

 

Bibliographie

Di Gregorio, A. (2014). Il vademecum del traduttore: idee e strumenti per una nuova figura di traduttore: organizzazione, revisione, redazione. Roma: Società editrice Dante Alighieri.

Horguelin, P. A., Brunette, L. (1998). Pratique de la révision. Brossard (Québec): Linguatech.

Künzli, A. (2006). Teaching and learning translation revision: Some suggestions based on evidence from a think-aloud protocol study. In M. Garant (Ed.), Current trends in translation teaching and learning (pp. 9-24). Helsinki: Department of Translation Studies Publication.

Munday, J. (2001). Introducing translation studies: Theories and applications. London: Routledge.

Newmark, P. (1988). A textbook of translation. London: Prentice Hall.

Osimo, B. (2011). Manuale del traduttore: guida pratica con glossario. Milano: Hoepli.

Testa, M. (2013). La revisione di una traduzione. In S. Arduini & I. Carmignani (Eds.), Atti delle giornate della traduzione letteraria 2012 (pp. 59-65). Milano: Marcos y Marcos.

Venuti, L. (1995). The translator’s invisibility: A history of translation. London: Routledge.

 

DOI 10.17462/para.2019.01.11